Nous avons consacré la première étape de notre voyage au Chantier Écologique Massif (CEM) de l’association Fermelt à Saint-Yon, en Essonne.

Les Chantiers Écologiques Massifs

Nous avions entendu parler de ces chantiers massifs lors de notre visite au salon Primevère à Lyon début mars. Des jeunes d’Etika Mondo ont « intercepté » le moment des questions après la conférence de Pablo Servigne et d’Yvan Saint-Jours pour nous présenter un projet ayant pour objectif de tendre vers une sécurité alimentaire nationale. Leur idée : mettre en relation un grand nombre de volontaires (500 personnes) avec des fermes de proximité pour les aider à se pérenniser avec des pratiques écologiques.

Le projet nous avait enchanté et nous nous sommes mis à suivre l’évolution de ce projet sur les réseaux sociaux.

La limite de déplacement dans un rayon de 100 km à cause du Covid-19 était encore de mise lorsque Etika Mondo a déployé son site web pour inviter à s’inscrire à des Chantiers Écologiques Massifs. Bien sûr, compte-tenu de la situation liée au virus, les règles du jeu ont un peu changé : ils ne souhaitaient pas réunir plus de dix personnes et demandaient le respect des règles d’hygiène au maximum. Peu de temps après la sortie du site web, il a été proposé un chantier dans l’Essonne. Il s’agissait d’une super opportunité qui entrait dans les lignes de notre projet. Elle arrivait à point nommé car à cette période on avait l’impression de ne pas avancer. C’est à peu près à ce même moment que nous avions décidé de repartir. Enfin, ça ne s’est pas fait du jour au lendemain. Nous n’étions pas très sereins à l’idée d’aller sur ce chantier. Il faut dire que nous n’avions que très peu d’informations, seulement un petit texte sur le site « viens on CEM » :

Saint-Yon, Essonne (91) - BESOIN URGENT : Si tu es de la région parisienne et disponible (au moins 1 journée) entre le 25 mai et le 28 Juin, notifie le nous car Mike et Mélanie ont besoin de toi ! En effet, dans leur association Fermelt, Mike et Mélanie, agriculteurs en permaculture, agro-foresterie, se sont installés très récemment (un peu plus d’un an) et ont donc un gros besoin d’aménagement sur leurs parcelles pour devenir productifs, pour l’alimentation locale. Si iels ne répondent pas à leurs objectifs d’aménagement d’ici fin Juin, iels pourraient mettre la clef sous la porte en Septembre.

Le ton du message nous mettait mal à l’aise. On avait un sentiment de culpabilité si on ne les aidait pas et on avait l’impression qu’on allait vivre dans une atmosphère ultra stressante de rendement et productivité absolue. De plus, le message d’urgence véhiculé pouvait faire penser à une forme d’arnaque. Pas tellement en phase avec l’état d’esprit des Lents.

Le CEM en question a débuté et nous n’étions toujours pas sûrs d’y aller. Il a fallu que nous attendions de voir des photos sur les réseaux sociaux pour se faire une idée du projet. Sur les premières photos nous voyions quelques personnes fabriquer une douche, repiquer des plants, faire la cuisine ensemble… Les messages liés aux photos étaient bien plus apaisés. Là nous nous sommes vraiment décidés à y aller et en faire notre première étape de voyage.

Notre séjour à la ferme Fermelt

Nous sommes arrivés lundi matin vers 9h30. Les participants déjà présents étaient en train de faire un brief pour la journée avec un tableau Kanban. Nous avons été intégrés à la réunion après un tour des prénoms et la présentation des gestes de communications. Les principaux gestes à retenir sont :

Ces gestes que l’on peut trouver un peu ridicules au départ sont en réalité la base très solide d’une vie en collectivité bienveillante, favorisant l’écoute et l’attention.

Un schéma des gestes de communication

Ce premier brief nous a déjà appris beaucoup sur le fonctionnement du lieu. Chacun⋅e est libre de choisir parmi les tâches qui ont été priorisées. Il n’y a pas de hiérarchie, le groupe est auto-organisé et les agriculteurs Mike et Mélanie sont des référents pour ce qui concerne le domaine de l’agriculture et pour la connaissance des lieux. Nous pouvons leur poser des questions mais iels ne nous imposent aucune décision. Lorsqu’il y a une nouvelle tâche à faire, Mike peut préparer l’atelier et expliquer aux autres participant⋅e⋅s comment procéder. Ensuite, si cette tâche s’étale sur plusieurs jours, les personnes qui ont déjà bénéficié des conseils de Mike peuvent réexpliquer aux nouvelles personnes qui intègrent cet atelier. Il s’agit d’un mode d’organisation anarchique où les personnes sont responsabilisées et s’échangent de la connaissance entre elles quelles que soient leurs connaissances de base.

Nous avons, avant de participer aux tâches de la journée, participé à une présentation du lieu par Mike. Lors de cette présentation, d’autres participant⋅e⋅s pouvaient à nouveau y assister afin de pouvoir prendre le relais lors de l’arrivée de nouveaux. Ainsi ça n’était pas toujours Mike qui présentait les lieux.

Durant notre séjour, du 15 au 20 juin, ce CEM bénéficiait d’un petit campement et de quelques installations comme un cabinet de toilette sèche et une douche à l’air libre que les CEMeurs (participants du CEM) de la première semaine avaient construits. Ces installations pouvaient paraître rudimentaires mais elles étaient plutôt confortables. Malgré de possibles préjugés, les installations étaient bien entretenues car chaque jour les CEMeurs et les CEMeuses s’auto-désignaient pour s’occuper des tâches logistiques comme faire la vaisselle et s’occuper des toilettes sèches. La cuisine se faisait de manière collective avec les denrées disponibles. Il a été évalué que l’on avait besoin de 5€ par personne et par course et les courses étaient effectuées tous les 2-3 jours par des volontaires pour cette tâche logistique.

Une journée-type se décomposait généralement de la manière suivante. Le matin petit-déjeuner ; une « météo des humeurs » pour partager son état d’humeur et parfois faire le tour des prénoms si nécessaire ; un « energizer » pour se réveiller physiquement et enfin le briefing où on s’attribue, en premier lieu, les tâches logistiques telles que les courses, vider les poubelles, vider les toilettes, faire à manger… . Ensuite on y rappelle l’avancement des tâches effectuées la veille et on priorise les tâches à faire pour la journée. Nous travaillions ensuite de 9h30 à 17h sur les champs avec une pause-déjeuner de 13h à 14h. À partir de 17h il peut y avoir des étirements, un atelier changement de vie où chacun raconte un peu son histoire et ses démarches de changements, ou bien un atelier pédagogie pour discuter comment communiquer à propos du CEM. Enfin il y avait le dîner vers 20h30 et s’ensuivait des activités de loisir comme des jeux de cartes ou un cours de salsa improvisé.

Il est important de noter que les CEMeurs et les CEMeuses étaient bénévoles. Chacun⋅e était totalement libre. Il leur était à tout moment possible de changer de tâche durant la journée, de choisir une tâche moins physique ou de s’installer dans son coin et faire une pause. Les participant⋅e⋅s étaient libres de rester sur le chantier pour la durée qu’iels souhaitaient sans avoir besoin de prévenir longtemps à l’avance : de un jour à plusieurs semaines, en une seule fois ou en plusieurs périodes. Il y avait donc quasiment chaque jour de nouvelles personnes qui arrivaient et des personnes qui s’en allaient ; ce qui rythmait un peu la semaine. Pour Mike, même s’il est nécessaire d’obtenir un revenu pour payer les charges de l’exploitation, il est encore plus important de partager sa connaissance et de créer un environnement où chacun et chacune peut se sentir à l’aise pour se développer. Quitte à ne pas encore atteindre l’équilibre économique de la ferme.

Nous avons passé un très bon moment à la ferme Fermelt. Les premiers jours, nous devions prendre un peu de temps pour comprendre le fonctionnement de l’organisation et prendre nos marques. Ensuite, nous avons trouvé notre rythme. Il s’agissait d’une bonne expérience où nous pouvions prendre notre temps, discuter, et échanger avec les autres personnes présentes. Chacun et chacune a pu apporter quelque chose, que ce soit des partages d’expériences, une recette de cuisine, un cours de salsa, une initiation à la capoeira ou des dessins.

Chacun et chacune pouvait se sentir à l’aise et se sentir accepté⋅e tel qu’il et elle est. Une certaine bienveillance était partagée entre toutes les personnes.

Avec le peu d’informations que nous avions avant de venir, nous ressentions un peu d’appréhension à l’arrivée. Après y avoir été pendant plusieurs jours, nous avions un petit pincement au cœur de quitter les personnes et l’endroit.

Nous conseillons à chacun et à chacune de tenter cette expérience de vie dans un groupe auto-géré où l’on apprend les un⋅e⋅s des autres dans un cadre paisible. C’est différent de l’organisation hiérarchique et stressante que l’on peut rencontrer en entreprise et ça fonctionne.

Adélie a enregistré, non sans émotions, son témoignage du CEM qui a déjà été repartagé sur les réseaux sociaux dont voici le fichier audio :

Les épisodes de podcast

Nous avons profité de ce CEM pour enregistrer plusieurs épisodes du podcast des Lents dont voici les épisodes :